Chais d’oeuvres – Rive Gauche

Voici la seconde partie de notre découverte architecturale… Car oui, il n’y a pas que sur la Rive Droite que de grands architectes ont officié : dans le Médoc mais aussi dans les Graves, vous pouvez visiter de beaux Châteaux ayant bénéficier du savoir-faire d’architectes de renom. 

Focus sur la Rive Gauche ! 

Château Cos d’Estournel – Jean Michel Wilmotte en 2008

Ce Second Grand Cru Classé de 1855 bénéficie d’une bâtisse unique et reconnaissable entre mille, réalisée en 1811 par Louis-Joseph Gaspard d’Estournel, le Maharadja de Saint Estèphe… Traditionnelle, en pierre de gironde, mais orientale par son style avec des éléphants, des pagodes, un jardin rappelant celui du Taj Mahal, c’est une propriété qui ne laisse pas indifférent. Pourtant lorsque les portes s’ouvrent, un autre monde à la pointe des techniques vinicoles et architecturales s’offre à nous. Initié à partir de 2001 dans le nord du Médoc, ce projet a un coût qui donne le tournis : 40 millions d’euros… Inspiré par les trois matières du vin – le métal, le bois et le verre-, Jean Michel Wilmotte va réaliser un chai cathédrale sous terrain gravitaire de 17 mètres de profondeur de manière à intégrer deux niveaux de 2400 m2 chacun. La Revue du Vin de France décernera en 2011 le Prix de l’Homme de l’année à Jean Michel Wilmotte, architecte, urbaniste et designer français reconnu ayant notamment réalisé le Carrousel du Louvre, le Musée du Louvre, le Musée d’Orsay à Paris…

Chai d'oeuvre de la rive gauche, Pédesclaux

Château Pédesclaux – Jean Michel Wilmotte en 2015

Dans ce projet porté par le même architecte que le Château Cos d’Estournel, il s’agissait ici de faire peau neuve : le Château Pédesclaux, 5èmeGrand Cru Classé depuis 1855 s’est donc vu rénové. Le chai gravitaire entièrement vitré a vu le jour : les cuves visibles de l’extérieur semblent porter le bâtiment. Pour le chai à barriques situé en dessous et par conséquent semi enterré, le dénivelé particulier de la propriété a été utilisé à bon escient. Enfin, deux volumes vitrés ont été rajoutés de part et d’autre de la bâtisse en pierre de gironde existante : d’un côté la salle de dégustation face aux vignes et de l’autre les bureaux des collaborateurs. Les matériaux utilisés sont nobles et bruts : béton blanc, noyer d’Amérique pour le parquet du Château, lames d’aluminium anodisé bronze évoluant en fonction de l’ensoleillement pour la façade du cuvier… L’aménagement paysager est aussi très important pour Jean Michel Wilmotte : un potager abritant les essences qui composent le vin a ainsi été créé. Il s’agissait véritablement de donner une nouvelle identité au Château tout juste acheté par son nouveau propriétaire.

Château Mouton Rothschild – Mazières en 2013

Bernard et Jean-Marie Mazières, les « hommes aux 100 Châteaux » ont été en charge, avec leur célèbre Atelier des Architectes, de la reconstruction des bâtiments d’exploitation, cuvier, réception, vendange et stockage du 1er Grand Classé depuis 1855, Château Mouton Rothschild. Le but était d’actualiser les besoins comme la vinification parcellaire, le gravitaire ou encore le contrôle thermique des locaux. Construite comme une grande nef de 70 m de long sur deux niveaux, l’oeuvre s’est voulue de continuité avec l’utilisation de la pierre, de l’acier et du bois tout en étant moderne avec une immense porte sur 8000 m2 de terrain de jeu. Il fallait également respecter la tradition de Château Mouton pour intégrer les cuves en chêne dans ce nouvel édifice. Bernard et Jean-Marie Mazières sont des frères bordelais qui n’en sont pas à leur premier coup d’essai dans le domaine viticole. Recherchés par les propriétés bordelaises, ils savent à merveille conjuguer innovations technologiques et besoins œnologiques mais aussi image prestigieuse et esthétique extraordinaire.

Chef d'oeuvre Clerc Milon

En 2007 puis en 2011, la Baronne Philippine de Rothschild demande au scénographe Richard Peduzzi et à l’architecte Bernard Mazières de réaliser un bâtiment rectangulaire en forme de temple ceint par une vaste terrasse ouvrant sur les vignes. C’est ainsi que le nouveau chai du Château Clerc Milon est né. La pierre, le verre et le bois ont été les matériaux utilisés pour réaliser le Château sur 3600 m2. Avec son bardage en bois d’ipé, la propriété fait face à son homologue Mouton Rothschild. 300 m2 de cellules photovoltaïques ont été posés par souci écologique.

Château Montrose – Mazières en 2014

20 millions de budget ont été nécessaires pour réaliser l’immense chai cathédrale de 11 mètres sous plafond du Château Montrose à Saint Estèphe: c’est une incroyable prouesse technique car le bilan carbone est au minima tout cela grâce à la géothermie et les 3000 m2 de panneaux photovoltaïques. La rénovation du Château, des bureaux, du musée et de l’ensemble des bâtiments d’exploitation représente 14000 m2 et a démarré en 2007 sur 7 ans en partenariat avec Yves Grémont, architecte des Bâtiments de France. Il s’agissait de concevoir les meilleurs équipements viti-vinicoles, d’explorer et mettre en œuvre des économies d’énergie, de respecter l’environnement et de maintenir l’ensemble architectural dans le style XVIIIème. L’Atelier des Architectes Mazières a aussi mis en œuvre plusieurs autres chais comme Yquem, Pétrus, Latour, Pape Clément, Lafaurie Peyraguey et bien d’autres…

Chef d'oeuvre Pichon

Château Pichon Longueville Baron – Patrick Dillon et Jean de Gastines en 1988

Un projet de construction de nouveaux bâtiments est lancé peu après la reprise du Château en 1987 par Axa Millésimes. Pour ce faire, le Centre George Pompidou a lancé un concours : ce sont les architectes Patrick Dillon et Jean de Gastines qui obtiennent le sésame. La destruction des anciens bâtiments ainsi que la rénovation démarrent en 1988. Sous le miroir d’eau au pied du Château du XIXème siècle, se cache depuis 2008 un chai enterré digne du Nautilus… 5500 m2 de bâtiments se répartissent de part et d’autre du Château, accentuant ainsi l’horizontalité dominante du paysage médocain. Avec un style architectural ressemblant aux palais égyptiens, le cuvier quant à lui est circulaire, attenant au bouteiller, aux chais à barriques et à la réception de la vendange. Il était nécessaire à l’époque d’améliorer l’organisation des installations tout en répondant au développement de l’activité touristique. Ainsi le cuvier circulaire et la déclivité importante du terrain permettent aux visiteurs d’observer toutes les étapes de fabrication du vin depuis le niveau supérieur à 4 mètres du personnel en contrebas. Jean de Gastines est un architecte français qui a notamment été en charge de la Tribune Présidentielle du défilé du 14 Juillet pendant de nombreuses années, il est aussi le créateur avec d’autres associés du Centre Pompidou-Metz. L’architecte américain Patrick Dillon, quant à lui, habite et exerce au Panama.

Chef d'oeuvre lafite

Château Lafite Rothschild – Ricardo Bofill – 1988

Le Château Lafite Rothschild est un précurseur, un innovateur dans ce domaine avec cette commande en 1985 au catalan Ricardo Bofill qui est alors au firmament de sa carrière d’architecte contemporain. Il va réaliser un chai semi-enterré de forme octogonale avec en prime des températures et une hygrométrie optimales, un gain de temps et de déplacement… Une révolution dans le monde du vin : combien de chais aujourd’hui se sont inspirés de cette forme circulaire ? Beaucoup ! Sur 4000 m2, 10000 m3 de terre ont été enlevés sur 2 ans afin de construire ce nouveau chai, semblable à une crypte de l’intérieur et à un fort de Vauban à l’extérieur ! Les visiteurs sont invités à utiliser les coursives autour de la galerie afin de ne pas interférer avec les ouvriers travaillant le vin. Au-dessus du chai, il y a 2 mètres de terre avec des vignes cultivées : c’était le plus gros challenge du projet avec la nécessité d’en supporter le poids et la pression, challenge réussi grâce notamment à 16 colonnes au cœur de l’édifice. La totalité de la construction est en béton et l’inauguration en a été faite en 1988.

Château Margaux – Norman Foster en 2015

Norman Foster n’est autre que l’architecte britannique ayant réalisé le Reichstag de Berlin et le Viaduc de Millau : un architecte de renom pour moderniser les installations et concevoir une vinothèque souterraine. De 2009 à 2015, il a réalisé la première nouvelle construction sur la propriété depuis 200 ans ! Un bâtiment a été élevé notamment pour le vin blanc du château : original, le toit est porté par des piliers ayant la forme d’arbres blancs. Le bâtiment reprend les codes de la vinification et a la même hauteur que ceux du XIXème siècle. La vinothèque souterraine connecte tous les bâtiments existants. La salle de dégustation est dans cette nouvelle aile. Le centre d’accueil ainsi que l’Orangerie historique ont été totalement redécorés.

Château Les Carmes Haut Brion – Philippe Starck et Luc Arsene-Henry en 2015

Avec un budget de 18 millions d’euros, le nouvel outil de travail du Château Les Carmes Haut Brion se veut moderne et original. Sur 5 hectares de ce micro domaine voisin du fameux Château Haut Brion, tout a été refait. Le célèbre designer touche à tout, Philippe Starck, se plie pour la première fois de sa carrière à l’exercice du Chais d’œuvre. Accompagné par l’architecte Luc Arsène-Henry, Philippe Starck est alors responsable de la conception et de la réalisation d’un nouveau cuvier, d’un chai d’élevage et des espaces réceptifs. Les travaux ont débuté en Janvier 2014 et se sont achevés pour les vendanges 2015. Le but de cette construction est de respecter le mystère du vin en allant vers le minimum. Le chai est donc une lame de métal brut plantée dans le terroir en référence à une ancre dans le vignoble, une lame de charrue de 12m80 de haut et 80m de long. « Pour moi, c’est la lame d’une charrue qui est en train d’entrer dans la terre, dans l’eau, d’ouvrir la terre pour faire accoucher ce mystère qu’est le vin », nous confie le designer. Le bâtiment est entouré d’eau : des matériaux bruts comme le béton matricé, le verre et le métal, englobés dans un jeu de lumière spectaculaire, ont été utilisés.

Chef d'oeuvre Haut Selve

Château Haut Selve – Sylvain Dubuisson en 1996

Etoile filante, le plus cérébral des designers français semble fuir l’ombre portée par son père l’architecte Jean Dubuisson et la lumière du succès. Bordelais d’origine, Sylvain Dubuisson se présente comme un vilain petit canard. Architecte brillant, c’est dans le design qu’il trouvera son bonheur : il obtiendra le Grand Prix National du Design en 1991. Il signe l’aile XXème siècle du Musée des arts décoratifs au Louvre, la ville de Paris est éclairée par ses lampadaires, il meuble le bureau de Jack Lang au Ministère de la Culture et a même réalisé pour Jean Paul II un calice et un ciboire en 1997. Architecte à ses heures perdues, c’est en 1996 qu’il va réaliser le remarquable chai du Château Haut Selve dans les Graves. Sur 4580 m2, un bloc monolithique est immergé dans le vignoble. A l’intérieur, un espace de circulation central s’ouvre sur le ciel : une cour optimise les déplacements entre la partie vinification et la partie stockage. Le chai à barriques bénéficie d’un étage : en bas les rouges, en haut les blancs. L’ensemble du volume est doublé d’une coque en chêne non traité : les barriques s’alignent sous une voûte. A savoir qu’au Château l’art n’est pas seulement le « chai d’œuvre » : le sculpteur espagnol Juan Bordes (« Castor & Pollux » et « Les 5 sens »), Yves Guérin (« Le Feu », « Les Balanciers du Vent » et « Hommage à Giacometti »), Vincent Barré pour la porte et les grille ont semé des œuvres dans la propriété.

Chai d'oeuvre Ballande

Chai logistique Ballande et Méneret – Baggio et Piéchaud en 2011

Ce bâtiment est destiné au stockage des vins fins du groupe Ballande. Environ 5,5 millions d’euros ont été nécessaires pour construire ce coffre-fort élégant, contemporain et sobre désirant s’inscrire dans le paysage boisé de la forêt de pins qu’il côtoie dans le Médoc. Vaste volume de béton blanc, un jeu d’éclairage de nuit en souligne les caractéristiques : une multitude de points lumineux émergent alors, miroitant dans le plan d’eau. L’agence d’architecture et d’urbanisme Baggio-Piéchaud s’est vue confier le projet. 1erPrix du Concours Lumière en 2014 organisé par le SERCE et Philips Lighting, le concepteur Yon Anton-Olano explique : « Seule la lumière des bougies permet de créer des ambiances évocatrices. Cette dernière est suggérée par des points lumineux de couleur ambre, logés au fond des trous de banche. Disposés selon un canevas : à la fois ordonné, témoin de la méthode rigoureuse nécessaire à l’élaboration de ces vins, en même temps aléatoire, illustrant le côté non formel, non attendu. La touche d’Art indispensable pour atteindre l’exceptionnel ». 278 luminaires 100% LED sont encastrés dans la façade en béton blanc autonettoyant pour un montant de 129 000 euros.

Les projets futurs

Château Lynch Bages a demandé à l’architecte américain d’origine chinoise Chien Chung Pei de s’occuper de sa rénovation. Cet architecte n’est pas inconnu de la famille propriétaire du Château puisque son père Ieoh Ming Pei, qui a réalisé la Pyramide du Louvre, connaissait très bien le père du propriétaire. C’est donc une histoire de fils et d’amitié de longue date. Chien Chung Pei est un architecte mondialement connu pour ses grandes œuvres comme le Musée des Six Dynasties en Chine ou le Parc du Musée des Arts Islamiques à Doha. Après 7 ans de réflexion avec le propriétaire du Château, les travaux sont enfin lancés début 2017. Si aucune « cathédrale » ne sera introduite dans le projet, les premières esquisses laissent apparaître une verrière immense. Lumière et transparence, lignes contemporaines et style architectural épuré, voilà le défi tout en améliorant les conditions de vinification. Le cuvier sera agrandi pour contenir 80 cuves contre 45 aujourd’hui et le chai de vieillissement sera enterré à 8 m de profondeur avec une autre particularité, sa taille impressionnante de 3700 m2. 2 ans et demi de travaux sont attendus : résultats en 2020 !

Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande est également en pleine rénovation. Après un an de travaux, le nouveau cuvier avec ses baies vitrées donnant sur le fleuve et le chai à barriques de 1800 m2 a pu être essayé pour la première fois en 2013. Mais ce n’est pas terminé ! 10 millions d’euros ont déjà été investis et Philippe Ducos, architecte bordelais du cabinet Ducos & Rougier, ayant aussi conçu le chai du Château Fieuzal, ne s’arrête pas là. Deux salles de dégustation au-dessus du cuvier avec une vue panoramique viennent d’être achevées ainsi qu’une salle de réception pouvant accueillir jusqu’à 200 personnes, une cuisine et une terrasse verdoyante. Au programme actuellement un hangar à tracteur et un bouteiller.

Il existe bien sur d’autres constructions, d’autres architectes. Bordeaux est reconnue comme étant un haut lieu de créativité sous bien des formes ! A quand un wine tour spécialisé dans l’architecture… Mon petit doigt me dit que bientôt vous pourrez venir avec moi sur les routes pour contempler ces merveilles solides et liquides !

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